« Nous tournoyons dans la nuit, et nous voilà consumés par le feu » l’exposition d’Espace 251 Nord au Trésor de la Cathédrale de Liège
Quand un centre d’art qui a bâti sa légende sur l’audace investit un haut lieu du Sacré, on s’attend à des étincelles. Avec « Nous tournoyons dans la nuit et nous voilà consumés » par le feu, Espace 251 Nord transforme le Trésor de la Cathédrale en terrain de jeu pour l’art contemporain. Mais la rencontre, spectaculaire en apparence, manque parfois de cette charge critique qui faisait jadis trembler les murs de Liège.
Espace 251 Nord : quarante ans d’irrévérence… et un virage plus sage ?
On a connu Espace 251 Nord plus mordant. Depuis 1983, le centre d’art s’aventure là où d’autres n’osent pas : friches industrielles, sous-sols urbains, chantiers à peine sécurisés. Sa réputation s’est construite sur la prise de risque, sur un rapport radical à la ville, au réel, au brut.
Quarante ans après, la machine tourne toujours, mais différemment. Le contexte économique étrangle le secteur culturel, la pression institutionnelle se resserre, et l’on sent que l’heure est parfois moins à l’expérimentation qu’au compromis. L’exposition actuelle en est, par moments, le symptôme flagrant.
Un Trésor exceptionnel… et une audace qui s’évapore en chemin
Faire entrer 78 artistes contemporains dans le Trésor de la Cathédrale de Liège n’est pas un geste anodin. Le lieu possède une présence physique et symbolique telle qu’il pourrait absorber n’importe quelle intervention artistique.
Avec plus de 130 œuvres déployées dans onze espaces, l’exposition offre un parcours spectaculaire, impeccablement scénographié, presque trop policé.
Car derrière la rencontre annoncée entre reliquaires prestigieux — Buste-reliquaire de saint Lambert, Ivoires des Trois Résurrections, Vierge des Avocats — et créations contemporaines, une légère déception affleure : pourquoi tant d’artistes semblent-ils ici en version édulcorée ?
Pourquoi cette retenue, cette douceur presque… diplomatique ?
On touche ici la limite du dispositif : face au Sacré, l’art contemporain paraît avoir rentré les griffes.
Une exposition qui ménage, qui rassure, qui lisse
Le dialogue patrimoine/contemporain est séduisant, photogénique, accessible au grand public. Rien à redire sur ce plan : les visiteurs y trouveront de quoi s’émerveiller.
Mais pour un centre d’art habitué à frictionner les espaces, déplacer les lignes, créer des contrastes brutaux, la proposition reste trop sage.
On aurait aimé plus d’irrévérence, plus de collisions, plus d’œuvres susceptibles de bousculer la majesté du lieu au lieu de s’y fondre avec respect.
L’exposition réussit tout… sauf à déranger.
Verdict : une exposition splendide, mais qui laisse un goût de retenue
Nous tournoyons dans la nuit… est une exposition intelligente, élégante, parfaitement maîtrisée.
Elle plaira, c’est certain. Elle séduira par son cadre, impressionnera par ses œuvres, enveloppera par sa scénographie institutionnelle.
Mais elle ne brûle pas ou en tout cas, pas vraiment…
On aurait voulu sentir un peu plus de risque, un souffle plus indocile, un geste moins calibré. Une exposition qui ose davantage, qui confronte vraiment le Sacré au profane, quitte à créer de l’inconfort.
Faut-il voir cette exposition ?
Oui, pour le plaisir des yeux, pour la puissance du lieu et pour cette proposition « deux en un » qui rapproche deux univers habituellement séparés.
Oui, parce que ce dialogue entre art religieux et création contemporaine reste rare, subtilement mis en scène, parfois certes trop sage, mais toujours profondément lisible.
Oui, parce que Liège a besoin de ces projets qui ouvrent les institutions au présent.
Une exposition à la fois introductive et contemplative, idéale pour une promenade culturelle en quête de correspondances inattendues.
« Nous tournoyons dans la nuit, et nous voilà consumés par le feu »
Du 28.11.2025 au 29.3.2026
Trésor de la Cathédrale de Liège
Rue Bonne Fortune, 6 – 4000 Liège
