Cléopâtre Superstar à Liège : autopsie d’un mythe, naissance d’une icône

L’Exposition « Cléopâtre Superstar » à Liège évoque l’autopsie d’un mythe et la naissance d’une icône…

Reine érudite, stratège politique, icône fantasmée : Cléopâtre n’a jamais cessé de se réinventer. Avec Cléopâtre Superstar, l’Espace d’exposition de la gare de Liège-Guillemins propose une immersion ambitieuse entre histoire, art et pop culture, pour interroger la fabrication d’un mythe devenu universel.

Cléopâtre à Liège : l’anatomie d’un mythe éternel

Deux mille ans après sa mort, Cléopâtre continue de troubler l’histoire. Reine érudite ou figure politique redoutable ? Stratège visionnaire ou projection fantasmatique façonnée par ses ennemis ? Peu de personnages historiques auront suscité autant de récits contradictoires, d’images réinventées et de passions durables.

C’est précisément à cette tension entre réalité historique et construction mythologique que s’attaque l’exposition « Cléopâtre Superstar », qui s’ouvre ce samedi 20 décembre à l’Espace d’exposition de la gare de Liège-Guillemins. Une ambitieuse proposition signée Europa Expo, qui choisit de ne pas trancher, mais d’explorer.

Une reine sous le scalpel de l’histoire

Le parcours s’ouvre sur une plongée rigoureuse dans le monde antique. De l’Égypte ptolémaïque à Rome, la première partie de l’exposition restitue la trajectoire politique, diplomatique et intime de Cléopâtre. Alliances, stratégies de pouvoir, figures masculines devenues légendaires — César, Marc Antoine — sont ici réinscrites dans une lecture nuancée, loin des raccourcis romanesques.

Sur plus de 2 000 m², le visiteur découvre un ensemble exceptionnel de plus de 120 objets, dont 65 pièces archéologiques majeures, issues de collections internationales prestigieuses : le Domaine et Musée royal de Mariemont, la Bibliothèque royale de Belgique, le Rijksmuseum van Oudheden de Leyde, le Musée des Beaux-Arts de Marseille, le Badisches Landesmuseum de Karlsruhe ou encore la Fondation Gandur pour l’Art à Genève.

À ces trésors s’ajoute une collection inédite conçue par Europa Expo, qui dialogue avec 80 reproductions de chefs-d’œuvre picturaux retraçant l’évolution du visage de Cléopâtre dans l’histoire de l’art. Une confrontation féconde entre objet, image et interprétation.

De la reine à la star : Cléopâtre à l’ère de la pop culture

La seconde partie de l’exposition opère un basculement assumé. Cléopâtre quitte le strict territoire de l’histoire pour entrer dans celui de la culture visuelle contemporaine. Cinéma, clips musicaux, publicité, jeux vidéo : la souveraine devient icône, archétype, symbole malléable.

Cette traversée de la pop culture révèle combien Cléopâtre, bien plus qu’un personnage historique, est une figure écran, sur laquelle chaque époque projette ses désirs, ses peurs et ses fantasmes. Réduite par la propagande romaine au rôle de séductrice, elle n’a cessé, paradoxalement, de gagner en puissance symbolique.

Entre mythe et miroir

Ce qui fait la force de Cléopâtre Superstar, c’est sans doute son refus du dogme. L’exposition ne cherche pas à imposer une vérité définitive, mais invite à déplier les strates du mythe, à observer comment une femme réelle est devenue une légende mondiale.

Chacun est ainsi convié à franchir ce voile ténu entre histoire documentée et imaginaire collectif. Car Cléopâtre n’est jamais une seule figure : elle est multiple, mouvante, insaisissable. Et c’est précisément cette instabilité qui la rend contemporaine.

Un hommage en creux

Au terme du parcours, une question persiste : au-delà de la star, n’est-ce pas à la femme que l’on rend hommage ? À une souveraine cultivée, stratège et audacieuse, dont l’image a survécu à l’effondrement des empires.

En quittant l’exposition, le visiteur emporte plus qu’un récit : une réflexion sur le pouvoir des images, sur la fabrication des légendes et sur ce qui, dans le destin de Cléopâtre, continue de nous parler aujourd’hui de la liberté, l’intelligence, l’audace et l’art de défier le temps.