Un boulet de canon figé dans un clocher depuis 457 ans

Le secret du clocher : un boulet de canon figé dans sa charpente depuis 1568

C’est une trouvaille pour le moins spectaculaire qu’ont faite les artisans chargés de restaurer le clocher de l’église Saint-Christophe, à Liège. Coincé dans la charpente à une trentaine de mètres de hauteur, un boulet de canon en fonte vient d’être identifié. Intact, silencieux, il aura attendu 457 ans pour se rappeler au souvenir des hommes.

🔥 L’écho d’un tir oublié

Ce projectile ne vient pas de nulle part. Il porte en lui les cicatrices d’un épisode tumultueux : l’automne 1568, en pleine guerre de religion. Guillaume d’Orange, à la tête d’une armée de mercenaires, tente de pénétrer dans Liège pour y défier les forces catholiques espagnoles. Refusé à l’entrée de la cité, il lance ses troupes à l’assaut des faubourgs. Saint-Gilles, alors hors les murs, subit les conséquences de cette offensive. C’est probablement à cette occasion que le boulet a été tiré – peut-être depuis le Mont Saint-Martin, à l’aide d’un fauconneau, une petite pièce d’artillerie utilisée par les armées françaises.

À cette époque, les tensions religieuses embrasent les anciens Pays-Bas espagnols. Protestants et catholiques s’affrontent dans un conflit politique, militaire et spirituel d’une rare intensité. Bien que la Principauté de Liège soit officiellement neutre, son territoire subit de plein fouet les violences de cette guerre larvée.

En 1566 déjà, les premiers signes d’instabilité apparaissent avec le passage de groupes iconoclastes, hostiles aux représentations religieuses catholiques. Les autorités liégeoises tentent de maintenir l’ordre en réprimant durement les réformés. Mais en 1568, la guerre devient mobile : les incursions militaires, comme celle de Guillaume d’Orange, font des faubourgs de Liège des zones de conflit. La ville résiste, mais les campagnes environnantes sont pillées, incendiées, traumatisées.

Une relique logée dans la mémoire du bois

Le bouletd’un diamètre de 5,2 cm – s’était logé dans la charpente du clocher, où il a été préservé jusqu’à aujourd’hui. Sa redécouverte est intervenue à la toute fin du chantier de restauration. Ce jeudi 26 juin, les historiens prévoient d’en déterminer avec précision la trajectoire et l’impact, juste avant le démontage de l’échafaudage.

⛪ Une église, mille vies

L’église Saint-Christophe, située dans le quartier Saint-Gilles, n’est pas un monument ordinaire. Fondée au XIIIe siècle, elle fut à la fois paroisse et église de béguinage. Elle est sans doute l’un des derniers témoins du mouvement béguinal encore debout en Europe. Transformée au fil du temps, restaurée dans un style néo-gothique par l’architecte Auguste Van Assche à la fin du XIXe siècle, elle est aujourd’hui classée au Patrimoine culturel de Wallonie.

L’impact du boulet redonne une voix à ces pierres séculaires, marquées à jamais par un tir d’artillerie du XVIe siècle. Une mémoire de la violence, mais aussi un signe de résilience : l’église a traversé les siècles, les guerres et les bouleversements sans perdre sa vocation de lieu de paix.

Ce boulet de canon, figé dans son clocher comme un rappel muet des violences d’autrefois, vient enrichir le récit de ce lieu pluriel – à la fois refuge spirituel, mémoire collective et témoin de l’histoire mouvementée de Liège.

Source et crédits images : La Croisée Architecture

 

Le boulet de canon du clocher de l’église Saint-Christophe, à Liège