Six bizarreries du Musée d’armes à Liège
Le département des armes au Grand Curtius présente une bien étrange vitrine au sein de son premier étage dédié aux armes civiles. Il s’agit d’une série de « bizarreries », pour la plupart dédiées à la défense personnelle. En effet, ce genre d’objets requiert souvent d’être compacts, facile d’usage, et adaptés à des situations précises, les résultats donnant lieu à des conformations pour le moins étranges. La vitrine illustre bien le fait qu’en armement comme en bricolage, « à chaque problème son outil » …
Si le côté parfois délirant de ces armes peut prêter à sourire, jusqu’à leur faire donner des surnoms loufoques par nos services, n’oublions cependant pas la finalité toujours blessante, parfois létale de ces engins.
Découvrons ces trois premières « bizarreries » avec Loïc Servais – Conservateur du Département des Armes :
Revolver DOLNE, 6 coups pour cartouches à broches, cal.7 mm Lefaucheux
Louis Dolne, Liège, Belgique, 1870
GC.ARM.12a.1885.35136
Surnom : « revolver d’Apache » ou « lundi matin avant le café »
Le système Dolne consiste à combiner trois armes en une seule : un coup de poing américain, un couteau et un revolver à six coups à percussion annulaire de calibre 7 mm. On le dit aussi revolver « Apache », non en raison d’une origine native américaine douteuse, mais parce que très apprécié des « joyeux » qui serinaient le bourgeois du côté de la Porte de Bagnolet et qui avaient hérité du sobriquet amérindien vers la fin du 19ème siècle.
Louis Dolne est un armurier liégeois (8, rue Stéphany) inscrit au Banc d’Epreuves de Liège de 1873 à 1881. Or, le brevet pour cette arme est déposé en 1869. Plus impressionnante qu’efficace en raison de la faiblesse de sa munition et de la complexité de sa mise en œuvre en cas d’agression, elle devait tout de même garder son effet en cas d’agression planifiée.
Pistolet JARRE à magasin horizontal 10 coups « Harmonica » pour cartouches à broches, cal. 9,5 mm
Pierre Joseph Jarre, Paris, France, 1860
GC.ARM.12a.1958.010808
Surnom : le « Stéphane Moreau »
Il est un fait certain que les armuriers ont cherché la répétition immédiatement dans la foulée du premier coup de feu de l’Histoire. Dans cette infinie quête du Graal, de nombreuses idées ont accouché de différents systèmes aujourd’hui disparus car moins efficace que les « classiques » encore produits de nos jours, comme le verrou, le levier sous-garde, etc. … C’est d’autant plus vrai lors du 19ème siècle industriel qui verra des milliers de brevets d’armuriers sur sa durée, dont plus de 6000 à Liège. De conception française, mais également produit à Liège, ce pistolet est un excellent exemple des essais tentés au cours du siècle. Le système est aussi simple que fiable, mais présente un défaut de taille : sa lame chargeur latérale qu’il faut démonter à chaque fois avant sa mise en poche. Car même nos politiciens ne les ont tout de même pas aussi larges…
Pistolet fixable pour cartouches à broches dit « de secrétaire », cal. 9 mm
Liège, Belgique, 19ème siècle
GC.ARM.12a.1946.40509
Surnom : Le « Surprise ! »
Cette arme faisant référence au mobilier plutôt qu’à l’employée d’administration, est essentiellement destinée à la sécurité. En effet, on pouvait la placer sous le comptoir commercial ou dans un endroit proche afin de riposter à un braquage éventuel. Placé à distance, la détente pouvait toujours être actionnée par fil. De là à fixer ce fil à une poignée de porte pour piéger un intrus ou une victime préméditée, il n’y a qu’un pas, allègrement franchi à de nombreuses reprises. Si ce genre d’idée a souvent résulté de bricolages divers avec des armes classiques, cet objet prouve qu’il a été également produit en manufacture, et qu’il y avait donc un marché. D’anciens modèles fonctionnant avec des munitions aujourd’hui inexistantes, et donc en détention libre, sont d’ailleurs aisément trouvables sur nos brocantes actuelles.
A suivre…