Art public en péril : quand le patrimoine de Droixhe est oublié

Les « oubliées » de l’art public à Droixhe : Un patrimoine en danger ?

Liège regorge d’œuvres d’Art public, certaines admirées et célébrées, d’autres, moins visibles, sombrant dans l’oubli. C’est le cas des œuvres qui ornent la cité de Droixhe, vestiges d’une époque où l’art s’intégrait à l’urbanisme dans une vision ambitieuse. Aujourd’hui, ces créations, conçues par des artistes de renom, semblent avoir été délaissées.

Comment se fait-il que ces trésors artistiques, qui ont façonné le visage moderne de Droixhe, soient aujourd’hui si ignorés ?

Un projet ambitieux inspiré par Le Corbusier

En 1953, la société de logement social « La Maison liégeoise » acquiert un terrain de 18 hectares, là où s’était tenue l’Exposition universelle de 1930, pour ériger un vaste ensemble de logements sociaux. Droixhe, imaginée par le groupe d’architectes EGAU, est pensée dans la lignée des grandes utopies modernistes, inspirée notamment des Unités d’Habitation de Le Corbusier. De 1950 à 1979, le quartier sort de terre : une cité ouverte, aérée, avec des immeubles sur pilotis, une innovation à l’époque, qui symbolisait la modernité et le progrès.

Les cinq grands immeubles de douze étages, situés en bord de Meuse, reflétaient cette ambition d’alliage entre fonctionnalité et esthétisme. Le béton armé, les lignes épurées et la rationalisation de l’espace étaient les marqueurs d’un quartier qui se voulait à l’avant-garde.

Mais Droixhe ne devait pas être seulement qu’un espace habité ; il devait être un lieu de vie esthétique, où l’art et l’architecture se fondent dans un même élan créatif.

Les artistes de Droixhe : des signatures prestigieuses tombées dans l’oubli

Dès le départ, l’idée d’intégrer l’art à la cité fut adoptée. Des artistes tels que Pol Bury, Georges Collignon, Jo Delahaut, et Jean Rets ont été sollicités pour créer des œuvres en harmonie avec l’environnement urbain.

  • Pol Bury, célèbre pour ses sculptures cinétiques, a marqué l’histoire de l’art moderne. Ses œuvres, jouant avec le mouvement et le temps, apportaient une dimension presque vivante à l’espace, rappelant que l’architecture pouvait elle aussi être en dialogue avec la nature et les habitants.

  • Georges Collignon, quant à lui, a privilégié des formes abstraites et lyriques, alliant rigueur et poésie. Il est un acteur important de l’abstraction belge, et ses contributions à Droixhe témoignent de cette recherche d’un langage visuel nouveau dans un contexte urbain.

  • Jo Delahaut, chef de file de l’abstraction géométrique en Belgique, a introduit des compositions aux formes nettes et aux couleurs franches. Ses œuvres, intégrées aux bâtiments de Droixhe, résonnent avec l’architecture elle-même, créant des correspondances entre la rigueur des lignes architecturales et la pureté des formes artistiques.

  • Jean Rets, avec ses créations abstraites, cherchait lui aussi à établir un dialogue entre l’art et l’architecture, entre la couleur et la forme, dans une vision profondément moderne.

Ces artistes ne cherchaient pas seulement à décorer la cité, mais à la transformer en un espace où l’art faisait partie du quotidien des habitants. Une véritable utopie artistique, aujourd’hui presque invisible aux yeux du public.

Un patrimoine négligé dans les rénovations modernes

Depuis quelques années, la cité de Droixhe fait l’objet d’importants travaux de rénovation. Les immeubles, marqués par les aléas du temps et des problématiques sociales, nécessitaient des modernisations. Cependant, ces rénovations ont peu pris en compte les œuvres d’art qui agrémentaient autrefois les bâtiments. Si elles sont toujours là, elles semblent, tout comme le projet architectural initial, tomber inexorablement dans l’oubli.

Ces sculptures et fresques, véritables trésors artistiques, n’ont jamais bénéficié d’une restauration digne de ce nom. Aujourd’hui, elles sont abîmées par le temps, et beaucoup passent inaperçues aux yeux des habitants et des visiteurs.

Comment accepter que ces créations de Pol Bury, Collignon, Delahaut et Rets, autrefois symbole de modernité, soient aujourd’hui laissées à l’abandon ?

Un appel à la restauration et à la valorisation de ce patrimoine artistique

Le quartier de Droixhe ne mérite-t-il pas mieux ?

La modernisation des logements sociaux est essentielle, mais doit-elle se faire au détriment de l’héritage artistique du quartier ? La cité de Droixhe est bien plus qu’un simple projet d’urbanisme, c’est un témoin de l’histoire de l’architecture et de l’art moderniste en Belgique. Restaurer ces œuvres, c’est non seulement rendre hommage à leurs créateurs, mais aussi revaloriser un quartier souvent stigmatisé.

Pourquoi ne pas imaginer une campagne de restauration, portée par la Ville de Liège et ses habitants, pour redonner vie à ces œuvres oubliées ? Il est urgent d’agir avant qu’elles ne soient définitivement effacées du paysage urbain. Une fois restaurées, ces créations pourraient faire l’objet de parcours artistiques, de visites guidées, mettant en lumière non seulement les œuvres elles-mêmes, mais aussi leur lien avec l’histoire du quartier.

Ne devrions-nous pas réaffirmer l’importance de l’art public dans nos vies ? Ces œuvres ont été créées pour embellir, inspirer, et dialoguer avec l’espace urbain. Aujourd’hui, il est de notre responsabilité de leur redonner la place qu’elles méritent.

Les œuvres d’art publiques de Droixhe, bien qu’elles aient perdu de leur éclat, restent un témoin précieux de l’ambition artistique et architecturale d’une époque. Leur abandon actuel est une perte pour l’Histoire de l’art et pour la mémoire collective des Liégeois. Il est temps de redécouvrir ces trésors cachés, de les restaurer et de les remettre au cœur de la vie publique.

Et vous, que pensez-vous du sort réservé à ce patrimoine exceptionnel ?

Ensemble, ne devrions-nous pas agir pour sauvegarder cette partie essentielle de notre histoire commune ?


Les œuvres d’art public de la cité de Droixhe à Liège
Les œuvres d’art public de la cité de Droixhe à Liège

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