Eugène Ysaye : le cœur et l’âme d’un génie liégeois de la musique au Grand Curtius
À Liège, l’histoire de l’urne contenant le cœur d’André-Modeste Grétry, conservée dans le socle de sa statue devant l’Opéra, est connue de tous. Mais bien peu de Liégeois savent qu’un autre cœur, tout aussi symbolique, repose dans une urne exceptionnelle : celui d’Eugène Ysaye, l’un des plus grands violonistes de tous les temps. Ce cœur, à la fois littéral et métaphorique, est aujourd’hui présent dans le fameux studio du maître, fidèlement reconstitué au sein du Musée du Grand Curtius.
Eugène Ysaye : un génie liégeois
Né à Liège en 1858 dans le quartier populaire de Sainte-Marguerite, Eugène Ysaye incarne l’esprit wallon dans toute sa vitalité. Violoniste prodige, compositeur et chef d’orchestre, il a conquis l’Europe et les Amériques grâce à son talent exceptionnel et à sa personnalité chaleureuse. Mais avant de devenir une légende de la musique classique, Ysaye a vécu une enfance tumultueuse dans les rues de Liège.
Sous la direction exigeante de son père, Nicolas Ysaye, Eugène se démarque dès son plus jeune âge. Sa carrière démarre en fanfare : à 16 ans, il obtient deux médailles en vermeil pour le violon et la musique de chambre au Conservatoire royal de Liège. Mais son histoire ne se limite pas à ses succès musicaux. Fidèle à ses racines, Ysaye conserve toute sa vie un lien profond avec Liège, qu’il considère comme son foyer spirituel.
Un studio unique en son genre
En 1894, alors au sommet de sa carrière, Eugène Ysaye se fait construire une maison à Bruxelles, avenue Brugmann, avec un espace de travail entièrement conçu par Gustave Serrurier-Bovy, un autre génie liégeois. Ce studio, reflet parfait de la personnalité et de la sensibilité artistique d’Ysaye, devient un lieu emblématique. On y trouve une vaste bibliothèque murale, un piano intégré, un grand bureau avec porte-partitions et de nombreux objets personnels.
Après la mort d’Ysaye en 1931, ses héritiers font don de ce studio à la Ville de Liège afin de perpétuer le souvenir du maître. D’abord installé au Conservatoire de musique rue Forgeur, il est ensuite transféré en 1977 au musée d’Architecture, avant de trouver sa place actuelle au Grand Curtius. Aujourd’hui, les visiteurs peuvent admirer ce sanctuaire artistique au sein du parcours permanent du musée.
L’urne de Louis Dupont : un hommage à Ysaye
Lors du décès d’Ysaye, à l’âge de 73 ans, son cœur et son cerveau furent prélevés et transportés à Liège. Le sculpteur liégeois Louis Dupont (1896-1967) fut chargé de réaliser une urne pour accueillir ce cœur, devenu un symbole de l’attachement d’Ysaye à sa ville natale.
Cette urne, d’une sobriété élégante, témoigne à la fois du respect pour l’homme et de l’admiration pour l’artiste. Exposée dans le studio au Grand Curtius, elle rappelle que, bien qu’il ait parcouru le monde, le cœur d’Ysaye est toujours resté à Liège.
Ysaye, une mémoire vivante
Eugène Ysaye n’est pas seulement un monument de la musique classique. Il est aussi à l’origine du Concours international de violon qui porte aujourd’hui le nom de la Reine Élisabeth. Cette compétition prestigieuse, idée soufflée par Ysaye à son amie la Reine, continue d’honorer son héritage en révélant de jeunes talents du monde entier.
En redécouvrant l’histoire du studio et de l’urne, les visiteurs du Grand Curtius plongent dans l’univers d’un homme qui a consacré sa vie à l’art et à la beauté.
Alors que le cœur de Grétry veille sur Liège depuis sa statue, celui d’Ysaye repose dans un écrin, discret, mais poignant, invitant chacun à se souvenir de ce que signifie, aimer et créer.





