Quel avenir pour le Haut Fourneau B d’Ougrée ?

Quel avenir pour le HFB d’Ougrée : un tas de ferraille pour certains ou un élément essentiel du patrimoine industriel et futur atout touristique liégeois pour d’autres ?

Dominant la vallée de la Meuse, le Haut Fourneau B d’Ougrée ne laisse personne indifférent. Pour certains, il ne serait qu’une carcasse métallique obsolète, vestige encombrant d’une industrie révolue. Pour d’autres, il incarne au contraire l’âme industrielle de Liège, un monument colossal chargé de mémoire, de luttes sociales et de savoir-faire. Derrière cette silhouette d’acier se joue aujourd’hui un véritable débat de société : faut-il effacer ce passé ou le transformer en force pour l’avenir ?

Le patrimoine industriel : une mémoire collective trop souvent oubliée

Le patrimoine industriel ne se limite pas à de vieilles machines ou à des friches abandonnées. Il raconte l’histoire du travail, des innovations techniques, des migrations ouvrières et des combats sociaux qui ont façonné nos territoires. Hauts fourneaux, charbonnages, usines et ateliers sont les cathédrales modernes des XIXᵉ et XXᵉ siècles : des monuments nés de la révolution industrielle, au même titre que les églises l’étaient pour les sociétés médiévales.
À Liège, cette mémoire industrielle est constitutive de l’identité locale. Elle a façonné le paysage, l’économie, mais aussi la culture populaire et l’esprit de solidarité propre au bassin sidérurgique. Détruire ces témoins, c’est risquer de rompre le lien entre les générations et de réduire l’histoire ouvrière à quelques lignes dans les manuels scolaires.

Le Haut Fourneau B d’Ougrée : un géant de l’histoire sidérurgique liégeoise

Le Haut Fourneau B, construit en 1962 sur le site d’Ougrée, fut en son temps l’un des plus grands et des plus performants d’Europe continentale. Haut de plus de 80 mètres, capable de produire près de 2 000 tonnes de fonte par jour, il symbolisait la puissance industrielle de la région liégeoise au cœur du XXᵉ siècle.

Mais l’histoire du site est bien plus ancienne. Depuis le début du XIXᵉ siècle, Ougrée est un lieu clé de la sidérurgie wallonne, intimement lié aux noms de Cockerill et aux grandes mutations industrielles européennes. L’arrêt définitif du haut fourneau en 2011 marque la fin d’une époque, mais pas nécessairement la fin de son histoire.

Aujourd’hui, alors que le site est en grande partie démantelé, le HFB demeure debout, silhouette monumentale rappelant des décennies de labeur, d’innovations et de vies ouvrières.

Détruire ou préserver : un choix politique, économique et culturel pour Liège

La question de l’avenir du Haut Fourneau B dépasse largement le simple enjeu urbanistique. Elle cristallise des visions opposées du développement territorial.
D’un côté, certains défendent une logique strictement économique : le coût de la sécurisation, de l’entretien et de la reconversion serait trop élevé. Le haut fourneau serait un frein à d’autres projets immobiliers ou économiques jugés plus rentables à court terme.
De l’autre, de plus en plus de voix s’élèvent pour rappeler que le patrimoine n’est pas un luxe, mais un investissement. Préserver le HFB, c’est offrir à Liège une opportunité unique : celle de transformer un symbole industriel en levier culturel, touristique, éducatif et identitaire. À l’heure où de nombreuses villes européennes misent sur la valorisation de leur passé industriel pour se réinventer, Liège peut-elle vraiment se permettre de tourner le dos à l’un de ses emblèmes les plus forts ?

“Des racines et des ailes d’acier” : une mobilisation citoyenne pour l’avenir

Face au risque de disparition du HFB, l’ASBL Des racines et des ailes d’acier s’est imposée comme un acteur central de la mobilisation. Son objectif est clair : sauver le haut fourneau et en faire un projet collectif, ouvert à la culture, à la formation, à la recherche et au tourisme.

L’association défend une vision ambitieuse : celle d’un haut fourneau vivant, accessible au public, capable d’accueillir expositions, événements culturels, parcours pédagogiques et projets innovants liés à l’acier et à la transition industrielle. En fédérant citoyens, experts, universitaires et décideurs politiques, elle rappelle que le patrimoine industriel appartient à tous.

Ailleurs en Europe, des reconversions qui font école

La préservation des hauts fourneaux n’est pas une utopie. De nombreux exemples européens prouvent que ces géants d’acier peuvent connaître une seconde vie.

À Duisburg-Nord, en Allemagne, une ancienne aciérie est devenue un parc culturel et de loisirs fréquenté par des centaines de milliers de visiteurs. À Völklingen, un haut fourneau classé à l’UNESCO accueille expositions et événements internationaux. À Belval, au Luxembourg, les hauts fourneaux cohabitent avec une université, des entreprises innovantes et des espaces culturels. À Ostrava, en République tchèque, le site de Vítkovice est devenu un pôle culturel majeur.

Ces projets démontrent qu’un passé industriel assumé peut devenir un formidable moteur de dynamisme urbain et touristique.

Pourquoi le patrimoine industriel reste-t-il si méconnu ?

Si le débat autour du HFB est si vif, c’est aussi parce que le patrimoine industriel souffre encore d’un déficit de reconnaissance. Trop souvent associé à la pollution, à la pénibilité ou au déclin économique, il peine à être perçu comme un héritage culturel à part entière.

Or, comprendre ces lieux, c’est comprendre notre histoire récente, celle des transformations sociales, des progrès techniques, mais aussi des sacrifices humains qui ont permis le développement de nos sociétés contemporaines. Sans médiation, sans transmission, ces sites risquent de disparaître dans l’indifférence.

Un choix de société pour Liège

Le Haut Fourneau B d’Ougrée n’est pas qu’un amas de métal. Il est un repère dans le paysage, un marqueur identitaire fort, un témoin de la mémoire ouvrière liégeoise. Le détruire serait irréversible. Le préserver, au contraire, ouvre la porte à de nouvelles formes de développement, plus durables, plus culturelles, plus ancrées dans l’histoire locale.

La question n’est donc pas seulement : que faire de ce haut fourneau ?
Mais bien : quelle place voulons-nous accorder à notre passé pour construire l’avenir de Liège