La maison au n° 3 de la rue Hocheporte à Liège: un immeuble de style mosan et le berceau du théâtre Al Botroûle
Nichée dans le cœur historique de Liège, la rue Hocheporte est bien plus qu’une simple voie de passage. C’est un témoin du temps qui relie, d’un bout à l’autre, la rue Saint-Séverin aux rues Naimette et Xhovémont. Cette rue, chargée d’histoire, doit son nom à une ancienne porte de la ville, un vestige aujourd’hui disparu qui marquait autrefois la frontière entre le Liège intra-muros et ses faubourgs.
Une rue, deux visages
Divisée en deux sections par le percement de la rue de l’Académie dans les années 1970, la rue Hocheporte affiche aujourd’hui deux visages bien distincts. La partie basse, située dans les anciens remparts, respire encore le charme des siècles passés. Ses maisons en brique et calcaire, alignées telles des témoins silencieux, rappellent l’architecture mosane des XVIIe et XVIIIe siècles. Parmi elles, la maison au numéro 3 se distingue par sa silhouette élégante.
La maison n° 3 : Un exemple d’architecture Mosane
Édifiée dans le troisième quart du XVIIIe siècle, la maison au n° 3 de la rue Hocheporte est un exemple remarquable du style mosan. Sa façade, en brique rouge et pierre calcaire, est rythmée par quatre travées et trois niveaux de hauteur dégressive. Les linteaux en calcaire, intradossés et à clé passante, surmontés de bandeaux moulurés, soulignent une horizontalité élégante qui contraste avec la verticalité des fenêtres. Au rez-de-chaussée, les allèges de pierre, aux angles écornés, ajoutent une touche de finesse à l’ensemble. La toiture d’ardoise mansardée couronne cette bâtisse, vestige d’une époque où l’on bâtissait pour durer.
Mais cette maison n’est pas uniquement le témoin d’un Patrimoine architectural. Derrière ses murs, une autre histoire s’est écrite, celle du Théâtre de marionnettes « Al Botroûle ».
« Al Botroûle » : Une tradition réinventée
C’est ici, dans cette maison historique, que Françoise et Jacques Ancion ont fondé en 1973 le théâtre de marionnettes « Al Botroûle », un lieu devenu emblématique pour les Liégeois. Jacques Ancion, sculpteur et passionné par la tradition des marionnettes à tringle, y a insufflé une nouvelle vie, renouant avec l’esprit des anciens montreurs de marionnettes. Le répertoire du théâtre, riche et varié, s’est inspiré des contes traditionnels et des grandes épopées médiévales, comme la Quête du Graal ou les aventures de Charlemagne.
Il reposait sur une connivence avec le public, mêlant humour, satire et poésie populaire, incarnée par les personnages de bois animés par les mains habiles de Jacques.
Dès 1978, le succès grandissant du théâtre conduit à sa professionnalisation. Des comédiens, musiciens, metteurs en scène et scénographes se joignent à l’aventure, contribuant à faire d’« Al Botroûle » un lieu de création et d’innovation, reconnu bien au-delà des frontières de Liège, jusqu’au Québec et au Japon.
Une nouvelle génération au service de la tradition
Après le décès de Françoise en 1997, puis de Jacques en 2022, la question de l’avenir du théâtre s’est posée. Heureusement, leurs fille Élise Ancion, accompagnée par son époux Bouli Lanners, acteur et réalisateur liégeois, ont décidé de reprendre le flambeau. Refusant de laisser se disperser ce riche patrimoine culturel, ils ont fondé en 2023 le « Théâtre de la Couverture Chauffante », un nouveau lieu qui perpétue l’esprit d’« Al Botroûle ». Il s’est installé dans un ancien relais de chevaux du XIXe siècle, adossé à la colline de Cointe dans la rue Mandeville.
Aujourd’hui, Bouli Lanners prête sa voix aux personnages de bois qu’il manipule avec habilité et avec la complicité d’Élise Ancion, costumière et metteur en scène. Le duo est rejoint par un « plankêt », responsable des bruitages en direct, ajoutant une touche d’authenticité et d’improvisation qui fait le charme de ce théâtre. Ensemble, ils redonnent vie aux anciens récits, mais innovent également avec des créations modernes, témoignant d’une volonté de préserver, tout en réinventant, cette tradition unique.
Un patrimoine vivant, entre passé et futur
La rue Hocheporte et son théâtre de marionnettes ne sont pas des reliques du passé, mais des symboles vivants de l’âme liégeoise. C’est un lieu où l’histoire se mêle à la modernité, où le patrimoine culturel trouve une nouvelle jeunesse, portée par une génération passionnée et créative. Pour les Liégeois de souche ou de cœur, cet endroit reste un repère, un lieu où résonne encore le son des marionnettes et où l’on se plaît à croire que la tradition n’a pas fini de nous surprendre.
En passant devant la maison n° 3, on peut presque entendre l’écho des rires, des exclamations et des applaudissements d’un public conquis. Ici, la tringle des marionnettes continue de les faire danser, rappelant que l’art populaire, transmis de génération en génération, est une liberté que l’on doit chérir comme une partie de nous-mêmes.